Dans notre vie de chaque jour, nous faisons face à plusieurs réalités. Nous avons conscience de certaines et d'autres nous échappent carrément. Elles ont tellement été automatisées que nous pensons que c'est logique et que c'est de cette façon-là que nous devrions agir, penser, voir les choses….
Nos cultures, notre éducation, notre environnement, nos croyances, … nous envoient chaque jour des codes qui sont des règles qui définissent ce qui doit et qui ne doit pas être. Ayant évolué dans ce cadran, nous prenons tout comme vérité. Nous oublions qu’en dépit de toutes ces vérités, il y a plusieurs réalités, qui parfois nous échappent.
L'une de ces vérités consiste à extrapoler nos expériences, nos connaissances, nos pensées aux autres dans toute circonstance et parfois avant de prendre une quelconque décision les concernant. On se focalise sur ses vérités (qui d’ailleurs sont relatives et varient d’une personne à une autre) au lieu de considérer la réalité.
J'y pensais ce matin et je l'ai appelé : le transfert de soi sur l'autre. Cette manière de faire nous empêche de voir la réalité, qui pour moi est : la particularité de chaque être humain.
Nous nous arrêtons aux vérités et nous freinons notre être à explorer l’infinité de perspectives – dans laquelle s’inscrit même la réalité, qui, dans la plupart de cas, nous échappe.
Parfois dans le groupe, des personnes peuvent nous donner l’impression d’être snobs, têtues, orgueilleuses, c’est la vérité aux yeux de tous, alors qu’en réalité, elles se protègent de quelque chose. Parfois, elles pensent elles-mêmes qu’elles sont têtues mais au fond, elles essaient de se protéger de quelque chose que seul leur subconscient a connaissance.
Il peut s’agir des choses qu’elles ont oubliées ou dont elles n’ont jamais fait connaissance (comme un rejet alors qu’elles étaient enfant, une maltraitance alors qu’elles étaient dans le ventre de leurs mères, etc.), leur réalité les a façonnées en dépit de toutes les vérités qui les entourent et ont fait d’elles de personnes qu’elles sont.
En tant qu’individu, nous sommes le résultat de notre propre réalité. Elle est immense. Pourtant, ce que nous laissons voir aux autres dépend de nos vérités (leurs vérités pour être précise). Devant un pasteur, nous donnons l’impression d’être saint, d’être chrétien (pourtant au fond, nous sommes un as de manipulation, d’hypocrisie).
Ceux qui ne nous connaissent pas pensent que nous sommes chrétiens, ceux qui nous ont connu depuis longtemps disent que nous sommes religieux, mais en vrai on s’en fout et de la religion et de la foi. Ces qualifications qu’ils nous donnent dépendent de leurs vérités. Leurs vérités qui stipulent que, quand on est chrétien on agit de telle façon et quand on fait semblant d’être chrétien alors qu’on ne l’est pas, on est religieux.
Parfois la personne lui-même ne se connait pas, la connaissance et la compréhension du soi est une grande dimension que nous ne pouvons pas atteindre sans la révélation du Créateur, qui nous a façonnés.
Pourtant, ne nous connaissant pas nous -même, nous nous referons à nous pour identifier les autres, nous partons de nous comme référence pour nous approcher des autres, pour les apprécier ou les accorder de l’importance. Nous partons de nous pour juger qui est digne de confiance ou pas, qui est saint ou souillé, qui est chrétien ou païen, qui est bon ou mauvais.
Nous partons de nos vérités pour parler des autres ou pour les qualifier : « les femmes de son genre, … les hommes comme ça, … les enfants qui ont grandi comme ça, …. Les couples pareils, … » ; qu’est ce que nous en savons ???
En réalité, la plupart des faits que nous redoutons sont la somme de tous les maux que nous faisons subir aux autres, consciemment ou inconsciemment.
Nous les faisons subir parce que nous les avons aussi subis, consciemment ou inconsciemment et une partie de nous qui ne s’est pas toujours remise pense que la vengeance est la voie de la guérison.
Nous craignons des situations que nous avons déjà vécues, en étant nous-mêmes soit acteur, soit spectateur, soit complice ; et qui malheureusement nous ont laissés une marque, un signe d’alarme systématique.
Chacun a son alarme, chaucn connait son drapeau rouge des limites à ne pas franchir, des situations à ne plus revivre. Chacun a sa peur la plus profonde. Dans ma culture, nous avons un adage qui dit que celui qui a un jour été mordu par le serpent a peur même de la ceinture. Par exemple, quelqu'un peut avoir peur de connaître un accident de circulation, parce que lui-même a déjà fait ou amené quelqu'un à faire un accident de circulation. Cette expérience laisse dans son être un sentiment d'insécurité lui rappelant que n'importe qui peut faire l'accident et qu'à n'importe quand il peut être la victime.
Quand on y pense, on trouve que c’est normal que quelqu’un se soucie d’accident, d’ailleurs les chiffres disent que dans le monde, chaque année plus d’1,3 million de personnes meurt des circulations routières, ce qui suppose un mort toutes les 21 secondes. La plupart des personnes s’éteignent des blessures produites à la suite de l'accident et non sur le coup.
Il y a de quoi avoir peur, n’est-ce-pas ? Bien-sûr, mais pour son cas, c’est l’écho de son expérience, de son vécu, aussi enfoui soit-il qui lui met en insécurité.
Que nous en ayons conscience ou pas, il nous arrive de projeter nos faiblesses sur les autres pour les accuser des choses qu’ils peuvent ou ne pas faire.
Si nous ne sommes pas en mesure d’être productifs au travail quand nous avons des problèmes personnels, nous avons tendance à croire que c’est le cas pour l’autre. Nous allons parfois plus loin pour en faire des règles générales. J’ai entendu un jour un collègue dire « personne ne peut être performant au travail en ayant des problèmes personnels non résolus » pour justifier sa baisse de performances ; pourtant, j’ai fait connaissance de personnes dans ma vie qui pouvaient produire le meilleur d’elles-mêmes que dans des conditions personnelles très difficiles : deuil, séparation, divorce, maladie, ... En essayant de noyer leurs souffrances/tristesse, elles réveillent leurs forces et aptitudes les plus profondes. Je ne doute pas une seconde que ses problèmes aient pu affecter la qualité de son travail, ce que je ne crois pas, ce que cela soit universel, valable pour tout le monde.
Parenthèses : C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles je me méfie de certaines citations qui n’ont rien à voir avec l’expérience de ma vie ou mes convictions. Les citations sont souvent personnelles et naissent du vécu individuel, ce n’est pas forcément universel.
Nous projetons notre propre insécurité sur les autres pour les juger des actes qu’ils sont capables de commettre ou pas. Pour les accuser des maux ou des situations qui sont susceptibles de se produire ou pas. Nous utilisons notre expérience pour prédire ce qui est susceptible d’arriver dans la vie des autres avec une certaine détermination comme si nous détenions le contrôle sur le temps et les événements : « comme il a fait ça, ceci va arriver, … Comme il a agi comme comme ça, c’est clair que ceci lui attend, … ».
En tant qu’êtres humains, l’autre devient un miroir dans lequel nous espérons voir tous les maux que nous avons créés, tous les défauts que nous avons, toutes les expériences négatives que nous avons vécues.
Nous sommes dans une sorte de compétition silencieuse, où l’on ne veut pas que quelqu’un nous dépasse en bien. Nous scrutons le mal en l’autre et nous ne faisons aucune attention sur le positif qu’il y a en lui.
Certains sont allés plus loin pour dire : « nul n’est bon ». Pour moi, cet adage me donne le sentiment de quelqu’un qui veut donner raison à sa méchanceté ; à ses défauts. J’ai même entendu dire : « aucun homme n'est fidèle », discours des hommes infidèles et des femmes victimes d’infidélité.
J’ai aussi lu dans la Bible : « l’esprit est bien disposé mais la chair est faible », comme s’il était impossible de veiller et de prier pour ne pas tomber dans la tentation. Comme si le corps s’activait seul à faire des choses sans la participation du cerveau, du cœur et/ou de l’esprit. Nous avons toujours des raisons pour justifier nos faiblesses et des raisons pour croire que les autres les ont forcément.
Nous regardons l’autre, non pas dans son immensité et sa vraie version, mais selon nous, projetant sur lui nos expériences, nos défauts, nos maux. Pourtant regarder notre prochain avec des idées préconçues, dans une dimension caricaturale que nous avons façonnée dans notre pensée nous empêche de lui faire confiance, nous empêche de nous ouvrir complètement à lui pour profiter de ses qualités, par peur de prendre conscience de nos propres faiblesses ou de se dévoiler à lui. On vit portant un masque, on vit recouvrant l’autre d’un masque. Pour nous donner l’impression que nous nous ressemblons tous.
Ce n’est pas parce que dans une situation quelconque, nous avons agi d’une certaine façon, que tous les humains auront obligatoirement une réaction similaire. Nous n’avons pas tous les mêmes vérités (les mêmes convictions, les mêmes valeurs, la même éducation, la même résilience, la même réaction, ...). Ainsi, ce n’est pas parce que quelqu’un nous a sorti « tous les humains sont les mêmes » que nous devons finalement croire que tous sont comme nous ou que nous devons être comme tous.
Aujourd’hui, j’aimerais nous dire que chaque être est unique, j’aimerais nous dire que nous ne devons pas juger les gens sur base de nos forces ou nos faiblesses. C’est une attitude contre-productive qui nous amène à blesser les autres inconsciemment.
C’est une attitude à décourager parce qu’elle nous aveugle et nous amène à agir selon nous et non ce que les autres attendent de nous. Si nous extrapolons notre force sur l’autre, nous risquons de lui demander au-delà de ses moyens, de même si nous transférons nos faiblesses sur l’autre, nous risquons de lui transmettre un sentiment de négligence, de sous-estime, de manque de respect.
Acceptons que chaque personne est unique et en face d’elle, essayons d’apprendre d’elle, de qui elle est, de ses forces et de ses faiblesses, non pas pour tirer des jugements, non pas pour lui comparer à nous ou pour compétir mais pour s’engager sur un chemin sage, assez diversifié, nous permettant de considérer l’autre dans toute son immensité et son originalité, sans mettre en avant nos cultures, nos expériences et nos pensées mais plutôt nos forces, pour qu’ensemble on se complète et qu’on forme un monde meilleur.