Depuis 1992, le 7 novembre célèbre la Journée internationale de l’écrivain africain. Une date pour honorer la richesse, la diversité et la puissance des voix littéraires du continent. Ce n’est pas le sujet aujourd’hui, mais novembre me rappelle toujours l’écrivain africain et toutes ses luttes pour arriver là où nous en sommes aujourd’hui.
Revenons à l’essentiel. L’est de la RDC est ravagé par les guerres depuis plus de trente ans. C’est une réalité qui traverse les générations : j’ai été conçue dans cette crise, j’y ai grandi, et j’y ai donné naissance à mes propres enfants. Avec le temps, on finit par se dire : « C’est comme ça ici ». Une forme d’acceptation s’installe. Certains l’appellent « résilience », d’autres « lâcher prise ». Mais derrière ces mots, il y a surtout une manière de survivre, de continuer à avancer malgré tout. Cette année j’ai appris qu’écrire, comme tous les autres arts d’ailleurs, pouvait nous aider à « lâcher prise ». Naître et grandir dans un contexte volatile est une chose, voir ses propres enfants y passer en est une autre.
Cette année, ce n’était pas ma vie qui me faisait peur. C’était celle de mes enfants. Ce qui pouvait leur arriver. Je n’avais pas peur de mourir, j’avais peur de les laisser seuls, orphelins, dans un monde qui me terrifie personnellement, en dépit du fait que je suis adulte.
Coupés du reste du monde : pas de courant, pas d’internet, pas de sortie. Confinés tous dans le noir et terrorisés de plus en plus par les sons des balles et des bombes lancés dehors ; écrire m’a beaucoup aidé. Je n’ai pas forcément publié tout ce que j’ai écrit, peut-être qu’un jour j’en ferais un livre, mais pouvoir mettre les mots sur ma peur, mes doutes, mes questionnements, ma rage, mon impuissance m’a aidé à être forte et à tenir. En temps de guerre, la littérature devient bien plus qu’un art, c’est un refuge. Et dans ce refuge, on construit une mémoire, on construit une histoire.
C’est clair que dans mon entourage, l’écriture n’a pas la même valeur que les autres arts. Mais l’écriture, c’est plus que des mots sur un bout de papier ou dans un journal, c’est la voix de celles et ceux qu’on n’entend pas. C’est la voix de celles et ceux qui ne savent plus hausser leurs voix à force de ne pas se faire entendre, elle trace une voie là où l’histoire risque de se taire. Elle scelle ce que le temps risque d’effacer, elle immortalise.
Comme l’écriture, les arts sont des instruments vivants. Ils rassemblent, apaisent, reconstruisent. En période de crise, ils offrent des espaces d’expression, de communion, de lien. C’est donc avec une grande joie que je vous annonce la toute première édition du Festival du Livre et des Arts de Beni, portée par les éditions Nge, sous le thème Mémoire, Plume et Résilience. Du 28 au 30 novembre, la ville accueillera différents talents (écriture, slam, poésie, théâtre, musique, peinture…) pour célébrer la beauté de la culture et la force de la résilience.
Je me réjouis à l’idée de vivre ce moment, de clôturer novembre de cette manière après toutes les perturbations vécues en début de cette année. C’est aussi pour nous rappeler que ce n’est pas la guerre qui nous définit. Nous sommes plus que « victimes » ou « survivants » des guerres, nous sommes plus que déplacés, retournés, vulnérables... Nous sommes aussi ces voix qui essaient en dépit de tout, nous sommes aussi cette force inébranlable, nous sommes aussi cet espoir. Nous ne sommes pas que la guerre que nous vivons, nous sommes aussi la paix à laquelle nous aspirons. Et par-dessus tout, malgré nos différences, nous sommes « UN ». Ce festival c’est une occasion de renaitre de nos cendres et penser à la beauté de ce que nous sommes, bien au-delà de la crise humanitaire actuelle. Alors, unissez-vous à moi pour soutenir ce grand événement. Passez le message autour de vous, du 28 au 30 novembre à Beni, au Nord Kivu. N’hésitez pas de contacter les éditions Nge pour plus de détails.
On se dit « A bientôt » ?