• 19 Sep, 2024

SOS, MON PEUPLE MEURT, ...

SOS, MON PEUPLE MEURT, ...

Depuis plusieurs années, la RDC fait face à une crise hors commun, à l'est c'est maintenant trois décennies que cela dure et ça va de mal en pire au fur et à mesure que les jours passent. Bilan, soit environ 5,6 millions de déplacés (81 pour cent du total), vivant dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de l’Ituri et du Tanganyika (OIM, octobre 2023). SOS, un cri de trente ans ...

SOS, mon peuple meurt  
Ça pince dans mon cœur 
Ça ronge là au fond, en toute lenteur  
Mais que faire ? 


Je me sens impuissante  
Je me sens déroutée  
Et puis, il y a ce truc dans ma gorge 
Qui serre tellement fort à m’étouffer 

  
Je ne sais pas définir ce que je ressens  
Je ne sais pas peindre ce que c’est  
De la tristesse, de l’impuissance, de la rage 
Mais je suis comme enfermée dans une cage 


Au fond, les questions sont énormes  
Les cases à cocher sont limitées 
Certains disent on n’a pas le choix 
D’autres disent c’est devenu normal  


Normal ?  
Ces enfants conçus, nés dans les guerres  
Ces enfants bercés par les sons traumatisants des bombes et coups de feu ? 
Vous dites c’est normal ?   
C’est normal d’être toute sa vie obligé à fuir ?  
A toujours être déplacé dans son propre pays ?


Vous dites c’est devenu normal ?   
Normal de vivre l’incertitude  
Normal de dormir sans l’espoir de se réveiller  
Normal de dormir à X endroit et se réveiller pour courir vers Y endroit ? 


Normal vous dites ?  
Normal de laisser sa maison pour dormir à la belle étoile ?  
Normal de voir ses enfants mourir de froid dans une hutte à fortune ? 
J’ai entendu les gens dire qu’en RDC c’est normal…


Normal de mourir d’une mort plusieurs fois ?  
Normal d’être contraint de laisser ses champs pour quémander dans les rues ?  
Normal d’être obligé d’abandonner ses bétails pour attendre l’aide humanitaire dans un camps de déplacés ? 


Normal d’être obligé de tout abandonner  
Pour se retrouver tassé dans un endroit sans abris, sans latrines, sans eau ? 
Normal de vivre aux dépens d’une soit disant aide humanitaire quand on pourrait tout avoir ? 
Normal de construire tout son espoir sur l’assistance quand on a été obligé de tout abandonner ? 


Vous dites c’est devenu normal 
Normal de vivre avec ce nœud sur la gorge  
La peur constante au ventre 
Et une lutte quotidienne pour la survie ? 


Normal de voir les villages se vider  
Les femmes se faire violer  
Les enfants victimes de toute sorte de malheur ?


Normal de voir les congolais souffrir sous le silence de ceux qui étaient censés les protéger ? 
Normal de voir les enfants parler des guerres comme des bandes dessinés ? 
Normal de voir les enfants fuir jour et nuit plutôt que d’aller à l’école ?  
Normal de voir les parents exploiter leurs propres enfants pour la survie ? 
Normal de voir les femmes se prostituer pour les moyens de subsistance ? 
Normal de vivre chaque jour dans le doute, la peur et l’incertitude ? 


Un pays est une maison pour son peuple  
Vous le saviez ça ? 
Vous dites c’est normal de souffrir chez soi ? 
A ce point ? Dans sa propre maison ? 


Vous dites que c’est normal de se sentir malheureux dans sa propre famille ? 
Vous dites que c’est normal de se sentir abandonné par ses propres parents ? 
Vous dites que c’est normal de se sentir humilié dans sa propre famille ? 


C’est quoi votre définition de normal ? 
Êtes-vous devenus résiliants ou aveugles ? 
Comment peut-on fermer les yeux sur ça ? 
Est-ce le sentiment d’impuissance ou de lâcheté ? 


Mon cœur saigne 
Mes mains tremblent  
Il y a ce truc dans ma gorge qui ne sait pas sortir  
Ce truc qui trouble mon sommeil  
Et qui parfois me joue des films dans ma tête  
Des films d’horreur, de tragédie…

Plusieurs questions  
Des réponses limitées  
Plusieurs questions : du pourquoi et comment, de qui au quoi, de quand à où

Les réponses sont juste vagues et limitées  
Le congolais écrit son histoire  
Cette thèse du pourquoi au comment 
Avec les larmes et le sang comme encre  


Le congolais peint son histoire  
Sur ce tableau de souffrances et de misères indicibles  
Le congolais avance, fait son parcours  
Mais son cœur est brisé  
Son âme est ameurtrie, son esprit est terrorisé  


On ose, on essaie 
Mais il y a comme cette force qui nous engouffre 
Cette voix qui nous fait taire  
Après qui est responsable ?  
C’est quoi notre part dans tout ça ?  


Moins de réponses. Plusieurs questions 
On n’est même pas à un trimestre post élection  
Quel discours n’avons-nous pas entendu ? 
Qu’est-ce que nous n’avons pas vu ?  
Nous avons expérimenté qu’avec un peu de volonté,  
Tout est possible ! 


Il y a presque deux mois, ils étaient tous patriotes  
Ils ont dépensé autant d’argent dans leur campagne 
Pendant ces temps, ils ont donné des miettes à nos souffrances 
Ils ont utilisé notre misère pour nous vendre des rêves  
Ils ont utilisé notre vulnérabilité pour nous vendre l’espoir


Une seconde, nous avons cru au changement  
Une seconde, nos espoirs se sont multipliés  
Mais maintenant que leur combat est fini  
Parce qu’en fin de compte, leur combat c’est le pouvoir 
Maintenant qu’ils ont eu ou pas ce qu’ils cherchaient   
Silence radio 


SOS SOS SOS 
Mon peuple meurt  
Au secourus 
Au secours  
Mes frères et sœurs meurent  
Silence radio  


Au secours  
Pitié  
Le sang de mon peuple coule  
Le sang de mon peuple arrose la terre de mes ancêtres  
Le sang de mon peuple coule comme de la pluie  
Silence radio 

  
SOS SOS 
Ce sont des enfants forcés à quitter leurs maisons  
Des femmes violées à gauche à droite  
Des viellantes mourant des crises cardiaques  
Des bébés oubliés et bombardés  


SOS SOS 
Ils ne savent rien des conflits politiques  
Ce sont des innocents 
Des fœtus qui meurent de faim 
Des enfants qui meurent de soif  
Des mères embarrassées  
Des hommes dépassés  
Des humains comme vous et moi 


Ce sont mes frères et sœurs  
Les fils de ma terre  
Les enfants de ce pays  
La descendance de nos ancêtres  
Silence radio 


SOS SOS 
Au secours qu’à secours  
En fin de compte nous sommes seuls  
Notre seul espoir 
Nous sommes seul face à notre combat 
Nous sommes notre combat 
Alors, ayons de l’amour  


L’amour sera notre force  
Ayons de l’amour  
De l’amour pour ce pays  
De l’amour pour ses citoyens  


Faisons preuve de charité envers tous ceux qui sont dans le besoin 
Rien n’est certain dans ce pays 
Aujourd’hui ce sont eux  
Qui sait pour demain ? 
Beaucoup de questions, plus d’incertitudes  
Nous vivons tous la peur au ventre

SOS SOS 
Soyons notre propre secours  
Ne soyons pas durs envers nous-mêmes 
Nous sommes dans une période trop difficile  
Nous avons tous besoin les uns des autres 


Ces déplacés ont besoin d’amour et d’un peu d’espoir  
Soyons cet amour, soyons leur espoir  
Nous ne pouvons peut-être pas tous aller au front  
Mais nous pouvons encore aider 
À la mesure de nos moyens  


Nous ne pouvons pas tous prendre les armes à feu 
Mais nous pouvons tous lutter  
Lutter pour que ces déplacés se sentent encore chez eux en dépit du contexte 
Lutter pour qu’un espoir soit possible 
Parce que dit-on, l’espoir fait vivre.

SOS. C’est le cri de cette femme qui ne sait pas de quoi nourrir ses enfants  
SOS, c’est le cri de ce nourrisson qui ne trouve pas de lait parce que sa mère a faim 
SOS, c’est le cri de ce père désemparé  
SOS, c’est le cri de ce parent qui a tout perdu et même l’espoir de revoir ses enfants  
SOS, c’est le cri de ces enfants séparés de leurs familles

SOS. C’est le cri silencieux de nos frères et sœurs déplacés  
SOS, c’est le cri inaudible du Nord Kivu 
SOS, c’est le cri étouffé de l’Ituri 
SOS, c’est le cri inaudible du congolais 
SOS, c’est plus que l’appel à l’aide  
SOS, c’est un appel pour nous tous d’agir  
Trop c’est trop. Soyons tous acteurs 

 

Photo de Elīna-Arāja
 

Brianca O. BUHORO

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