SOS, mon peuple meurt
Ça pince dans mon cœur
Ça ronge là au fond, en toute lenteur
Mais que faire ?
Je me sens impuissante
Je me sens déroutée
Et puis, il y a ce truc dans ma gorge
Qui serre tellement fort à m’étouffer
Je ne sais pas définir ce que je ressens
Je ne sais pas peindre ce que c’est
De la tristesse, de l’impuissance, de la rage
Mais je suis comme enfermée dans une cage
Au fond, les questions sont énormes
Les cases à cocher sont limitées
Certains disent on n’a pas le choix
D’autres disent c’est devenu normal
Normal ?
Ces enfants conçus, nés dans les guerres
Ces enfants bercés par les sons traumatisants des bombes et coups de feu ?
Vous dites c’est normal ?
C’est normal d’être toute sa vie obligé à fuir ?
A toujours être déplacé dans son propre pays ?
Vous dites c’est devenu normal ?
Normal de vivre l’incertitude
Normal de dormir sans l’espoir de se réveiller
Normal de dormir à X endroit et se réveiller pour courir vers Y endroit ?
Normal vous dites ?
Normal de laisser sa maison pour dormir à la belle étoile ?
Normal de voir ses enfants mourir de froid dans une hutte à fortune ?
J’ai entendu les gens dire qu’en RDC c’est normal…
Normal de mourir d’une mort plusieurs fois ?
Normal d’être contraint de laisser ses champs pour quémander dans les rues ?
Normal d’être obligé d’abandonner ses bétails pour attendre l’aide humanitaire dans un camps de déplacés ?
Normal d’être obligé de tout abandonner
Pour se retrouver tassé dans un endroit sans abris, sans latrines, sans eau ?
Normal de vivre aux dépens d’une soit disant aide humanitaire quand on pourrait tout avoir ?
Normal de construire tout son espoir sur l’assistance quand on a été obligé de tout abandonner ?
Vous dites c’est devenu normal
Normal de vivre avec ce nœud sur la gorge
La peur constante au ventre
Et une lutte quotidienne pour la survie ?
Normal de voir les villages se vider
Les femmes se faire violer
Les enfants victimes de toute sorte de malheur ?
Normal de voir les congolais souffrir sous le silence de ceux qui étaient censés les protéger ?
Normal de voir les enfants parler des guerres comme des bandes dessinés ?
Normal de voir les enfants fuir jour et nuit plutôt que d’aller à l’école ?
Normal de voir les parents exploiter leurs propres enfants pour la survie ?
Normal de voir les femmes se prostituer pour les moyens de subsistance ?
Normal de vivre chaque jour dans le doute, la peur et l’incertitude ?
Un pays est une maison pour son peuple
Vous le saviez ça ?
Vous dites c’est normal de souffrir chez soi ?
A ce point ? Dans sa propre maison ?
Vous dites que c’est normal de se sentir malheureux dans sa propre famille ?
Vous dites que c’est normal de se sentir abandonné par ses propres parents ?
Vous dites que c’est normal de se sentir humilié dans sa propre famille ?
C’est quoi votre définition de normal ?
Êtes-vous devenus résiliants ou aveugles ?
Comment peut-on fermer les yeux sur ça ?
Est-ce le sentiment d’impuissance ou de lâcheté ?
Mon cœur saigne
Mes mains tremblent
Il y a ce truc dans ma gorge qui ne sait pas sortir
Ce truc qui trouble mon sommeil
Et qui parfois me joue des films dans ma tête
Des films d’horreur, de tragédie…
Plusieurs questions
Des réponses limitées
Plusieurs questions : du pourquoi et comment, de qui au quoi, de quand à où
Les réponses sont juste vagues et limitées
Le congolais écrit son histoire
Cette thèse du pourquoi au comment
Avec les larmes et le sang comme encre
Le congolais peint son histoire
Sur ce tableau de souffrances et de misères indicibles
Le congolais avance, fait son parcours
Mais son cœur est brisé
Son âme est ameurtrie, son esprit est terrorisé
On ose, on essaie
Mais il y a comme cette force qui nous engouffre
Cette voix qui nous fait taire
Après qui est responsable ?
C’est quoi notre part dans tout ça ?
Moins de réponses. Plusieurs questions
On n’est même pas à un trimestre post élection
Quel discours n’avons-nous pas entendu ?
Qu’est-ce que nous n’avons pas vu ?
Nous avons expérimenté qu’avec un peu de volonté,
Tout est possible !
Il y a presque deux mois, ils étaient tous patriotes
Ils ont dépensé autant d’argent dans leur campagne
Pendant ces temps, ils ont donné des miettes à nos souffrances
Ils ont utilisé notre misère pour nous vendre des rêves
Ils ont utilisé notre vulnérabilité pour nous vendre l’espoir
Une seconde, nous avons cru au changement
Une seconde, nos espoirs se sont multipliés
Mais maintenant que leur combat est fini
Parce qu’en fin de compte, leur combat c’est le pouvoir
Maintenant qu’ils ont eu ou pas ce qu’ils cherchaient
Silence radio
SOS SOS SOS
Mon peuple meurt
Au secourus
Au secours
Mes frères et sœurs meurent
Silence radio
Au secours
Pitié
Le sang de mon peuple coule
Le sang de mon peuple arrose la terre de mes ancêtres
Le sang de mon peuple coule comme de la pluie
Silence radio
SOS SOS
Ce sont des enfants forcés à quitter leurs maisons
Des femmes violées à gauche à droite
Des viellantes mourant des crises cardiaques
Des bébés oubliés et bombardés
SOS SOS
Ils ne savent rien des conflits politiques
Ce sont des innocents
Des fœtus qui meurent de faim
Des enfants qui meurent de soif
Des mères embarrassées
Des hommes dépassés
Des humains comme vous et moi
Ce sont mes frères et sœurs
Les fils de ma terre
Les enfants de ce pays
La descendance de nos ancêtres
Silence radio
SOS SOS
Au secours qu’à secours
En fin de compte nous sommes seuls
Notre seul espoir
Nous sommes seul face à notre combat
Nous sommes notre combat
Alors, ayons de l’amour
L’amour sera notre force
Ayons de l’amour
De l’amour pour ce pays
De l’amour pour ses citoyens
Faisons preuve de charité envers tous ceux qui sont dans le besoin
Rien n’est certain dans ce pays
Aujourd’hui ce sont eux
Qui sait pour demain ?
Beaucoup de questions, plus d’incertitudes
Nous vivons tous la peur au ventre
SOS SOS
Soyons notre propre secours
Ne soyons pas durs envers nous-mêmes
Nous sommes dans une période trop difficile
Nous avons tous besoin les uns des autres
Ces déplacés ont besoin d’amour et d’un peu d’espoir
Soyons cet amour, soyons leur espoir
Nous ne pouvons peut-être pas tous aller au front
Mais nous pouvons encore aider
À la mesure de nos moyens
Nous ne pouvons pas tous prendre les armes à feu
Mais nous pouvons tous lutter
Lutter pour que ces déplacés se sentent encore chez eux en dépit du contexte
Lutter pour qu’un espoir soit possible
Parce que dit-on, l’espoir fait vivre.
SOS. C’est le cri de cette femme qui ne sait pas de quoi nourrir ses enfants
SOS, c’est le cri de ce nourrisson qui ne trouve pas de lait parce que sa mère a faim
SOS, c’est le cri de ce père désemparé
SOS, c’est le cri de ce parent qui a tout perdu et même l’espoir de revoir ses enfants
SOS, c’est le cri de ces enfants séparés de leurs familles
SOS. C’est le cri silencieux de nos frères et sœurs déplacés
SOS, c’est le cri inaudible du Nord Kivu
SOS, c’est le cri étouffé de l’Ituri
SOS, c’est le cri inaudible du congolais
SOS, c’est plus que l’appel à l’aide
SOS, c’est un appel pour nous tous d’agir
Trop c’est trop. Soyons tous acteurs
Photo de Elīna-Arāja