Les rues de Goma ne sont plus qu’un long soupir. La ville, d’ordinaire bruyante et vibrante, s’est transformée en un champ de ruines et de silence. Depuis six jours, le chaos a pris le pas sur la vie.
Le premier jour, tout a commencé par des rumeurs. Un ami m'appelle pour m'avertir du danger. Des murmures effrayés parcouraient les 18 quartiers, annonçant un orage qui ne viendrait pas du ciel. Puis, les premières détonations ont fendu l’air, sèches et brutales. Les habitants se sont enfermés chez eux, espérant que l’orage passe. Mais il ne passait pas. Ce fut le début d'une longue attente.
Le deuxième jour, la peur et la terreur se sont faites chair. Des rues désertes, des regards fuyants, des portes closes. Les marchés, ces cœurs battants de la ville, se sont tus. La faim a commencé à serrer les ventres, tandis que les pillages éclataient. Ce qui n’était qu’une tension sourde est devenu une marée déchaînée.
Le troisième jour, Goma brûlait. Des colonnes de fumée montaient de partout, comme des prières à un dieu sourd et cadavérique. Des maisons éventrées, des boutiques mises à sac, des cris qui se mêlaient au vent. Le sang a coulé sur la lave, rendant la pierre volcanique plus lourde et dure encore.
Le quatrième jour, certains ont tenté de fuir. Mais où aller, quand les routes sont barrées et que la peur est partout ? Dans les camps de fortune, sous les abris de fortune, les familles s’entassaient, cherchant un semblant de sécurité. Mais même là, le danger rôdait. On y a compté des morts, bombardés par les puissances verseuses.
Le cinquième jour, la faim et la fatigue ont fait vaciller les corps. Des enfants pleuraient sans larmes, trop épuisés pour espérer. Un monsieur, vivant près de chez-moi, voulant maîtriser son bébé de quelques mois, tous enfermés dans la maison, a succombé à ses blessures. Dans la Ville, les plus téméraires ont osé sortir, bravant les tirs, cherchant de quoi survivre. Des femmes, bidons jaunes à mains, vont chercher de l'eau, parfois au lac ou vers des bornes fontaines, longtemps approvisionnées par des camions citernes, moins potables. Certains de ceux et celles qui sont sortis, ne sont jamais revenus.
Et voici le sixième jour. Un jour où l’on ne sait plus si le pire est passé ou s’il reste à venir. À quelques mètres de ma maison, une station à essence, témoin d'un dépôt à munitions . Tout proche de là, des cadavres qui jonchaient le chemin. Oh rue Katoyi, que n'as-tu pas vu? Ce jour est celui où l’on compte les absents et où l’on guette, au loin, une lueur qui pourrait annoncer la fin du cauchemar. Le courant rétabli, l'on se par l'ancien ou le nouveau patron.
Dans les cendres de la ville, sous la poussière et les larmes, une question flotte : Goma survivra-t-elle encore une fois ?
Entre deux mondes : fiction et réalité !
Bukasa Kabwe
Photo crédit : Edouard Mihigo